Qui sont les Gilets Jaunes ?

17 décembre 2018 à 9h20 par Dolorès CHARLES

Alors que le mouvement des Gilets Jaunes s'essouffle, intéressons-nous ce matin au profil de ces Gilets Jaunes : qui sont ils et que veulent-ils ? Une grande enquête pluridisciplinaire a été réalisée.

HIT WEST
Les Gilets Jaunes à Angers
Crédit : @_Gilets_Jaunes_

Ils étaient là, pour l’Acte V de mobilisation "pour déféndre plus de justice sociale" mais ils étaient moins nombreux. A Nantes environ un millier, soit trois fois moins que le week-end dernier. Certains se sont opposés aux forces de l’ordre., et il y a eu une dizaine d’interpellations. Certains seront jugés dès aujourd’hui (ils répondront de violences sur personnes dépositaires de l’ordre public). Les Gilets Jaunes étaient aussi mobilisés aux ronds-points Atlantis à St-Herblain ou de Nantes-Atlantique, à Vallet, au péage du Bignon (A 83), sur le Front de mer de Saint-Nazaire (500), ou dans le Maine-et-Loire (400 contre un millier il y a 8 jours).

A Angers la manifestation a réuni en ville entre 250 et 300 personnes. Ils étaient une bonne vingtaine devant l'hôtel de ville de Cholet, et une autre vingtaine au péage Nord de l'A87. Gilets Jaunes aussi aux péages de Chemillé ou des Herbiers. Hier quelque 500 Gilets Jaunes ont également défilé dans les rues de La Roche s/Yon contre 900 dimanche dernier. On a aussi manifesté aux Sables d’Olonne ou à Fontenay-le-Comte en Vendée. Pas de grosse manifestation en Mayenne, seulement des rassemblements aux ronds-points à St-Berthevin.

Pas de trêve à Noël

En Bretagne, une cinquantaine d’entre eux ont encore bravé le mauvais temps hier en se postant au rond-point de Lann-Sévelin à Lanester. Des manifestants qui affirment qu’il n’y aura pas de trêve pour eux à Noël. A Vannes, c’est la discorde… Malgré une trêve annoncée jusqu’au 2 janvier par certains, d’autres étaient encore présents au rond-point des Trois Rois hier… affirmant qu’aucune trêve n’est possible pendant les Fêtes ! Samedi, plusieurs opérations escargot ont également été menées sur la RN 165 entre Caudan et Auray et sur la RD 769 au Faouët.

Dans le Finistère, les Gilets Jaunes se sont mobilisés pour un 5ème samedi consécutif ce week-end. La mobilisation la plus importante de Bretagne s’est déroulée à Brest où la marche citoyenne a réuni près de 2 000 gilets jaunes dans une ambiance bon enfant. A Quimper, un rassemblement a lui réuni 200 personnes.

On a relevé beaucoup de tensions entre Gilets jaunes et forces de l’ordre à Langueux. Près de 200 manifestants ont pris position sur le rond-point de la zone commerciale. Des affrontements avec les CRS ont conduit à l'arrestation de 4 personnes. Un homme sera déféré devant le tribunal de St-Brieuc aujourd’hui, et jugé en comparution immédiate. Il y avait aussi près de 400 manifestants en centre-ville de St Brieuc, et près d'une centaine de Gilets jaunes ont réalisé une chaîne humaine à Saint-René, en bord de RN 12. Objectif, demander un référendum d’initiative citoyenne ! Par ailleiurs des rassemblements se sont tenus à Lannion, Loudéac et Paimpol dans les Côtes-d'Armor.

Par ailleurs, il y a eu une bagarre samedi soir sur le campement du rond-point de Pont-Losquet, à Minihy-Tréguier. Deux Gilets jaunes ont été blessés, et conduits à l’hôpital. L'un d'entre eux a 7 jours d'ITT. Ils ont porté plainte. Il y a eu deux interpellations.

Manifestation dans le calme à Rennes

Un peu plus de 100 Gilets jaunes ont manifesté dans les rues de Rennes samedi, dans le calme. Il y a eu ensuite une opération escargot sur la rocade. Le lapins jaunes ont bloqué la plateforme logistique du Carrefour du Rheu. A Fougères, ils ont bloqué l’accès au centre commercial Carrefour qui était ouvert exceptionnellement pour les fêtes de fin d’année, manifestation aussi à Redon. Le président de la région Bretagne Loïg Chesnais-Girard, appelle au dialogue, il organisera demain une conférence sociale avec les différents partenaires sociaux et des Gilets jaunes.

Intéressons-nous ce matin au profil des Gilets Jaunes !

Un collectif de chercheurs universitaires travaille sur une grande enquête pluridisciplinaire de terrain, autour de ce mouvement citoyen. Démarrée le 24 novembre, elle s'intéresse à deux aspects : qui sont-ils et que veulent-ils ? Entre 4 et 500 questionnaires ont été distribués et les chercheurs en ont déjà dépouillé plus d’une centaine. De quoi livrer les premiers résultats. Il n'y a pas de profil type mais une mixité relativement importante avec des points communs.

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"Ce qui est intéressant c'est que c'est des populations assez mixtes, il y a des gens assez différents en fait et en partie assez différents de ceux qui se mobilisent d'habitude. Il y a toute une partie des gens qui sont là, la moitié dans nos questionnaires ce sont des gens qui n'ont jamais manifesté ou qui manifestent presque jamais. Ca en soit c'est déjà super intéressant. Ensuite, ce sont pour beaucoup des gens qui ont d'abord des petits revenus, donc qui sont touchés directement par la précarité ou par la difficulté à finir ses fins de mois ou à ne pas pouvoir faire plus que manger, dormir et travailler, c'est à dire peu de loisirs, peu de sorties. Ou alors des gens qui en aident d'autres par exemple il y a beaucoup de retraités qui nous ont dit qu'ils aidaient leurs enfants ou leurs petits enfants pour payer le logement, pour payer les fins de mois etc."

La Nantaise d'origine Emmanuelle Reungoat, maîtresse de conférence en sciences politiques à l'Université de Montpellier et coordinatrice des équipes questionnaire, avec Emilie Plantard. L'objectif de cette enquête est de comprendre à la fois l'ampleur et le caractère un peu inédit de ce mouvement.

Les hommes ne sont pas du tout les seuls à endosser le gilet jaune.

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"Un autre élément qui est intéressant, ça a été beaucoup dit dans les médias mais c'est vrai, il y a beaucoup de femmes et elles sont plus visibles que d'habitude. Ca ne veut pas dire que d'habitude les femmes ne se mobilisent pas mais elles ne se mobilisent pas toujours, ça dépend des professions, des types de manifestations. Là elles sont nombreuses, elles sont présentes sur les ronds-point, dans les manifestations et elles sont visibles aussi parce que comme c'est un mouvement particulier qui n'a pas de portes-parole, qui n'est pas structuré et bien les médias vont voir sur les ronds-points, dans les manifs et ça donne plus de visibilité aux femmes."

Ce mouvement est particulier de part son évolution.

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"Ce qui explique aussi la mobilisation etce qui fait qu'elle est un peu particulière aussi c'est qu'il se passe des choses sur les ronds-points. Les gens font connaissance, ils se socialisent c'est souvent bon enfant, il y a des petites bicoques qui sont montées où les gens ramènent à manger, où chacun ramène quelquechose, il y a du partage. Donc on commence à faire connaissance, voire se faire des amis en tous cas à discuter. Et c'est aussi comme ça que les revendications elles ont évolué. On est parti de revendications qui étaient très précises sur la hausse du carburant et puis très vite ça s'est élargi parce que en fait, le fait d'aller sur les ronds-points discuter, de se retrouver tous les soirs et tous les week-ends, ça créé de la politisation. On sort de son cas individuel où on se dit "Je galère je n'arrive pas à finir les fins de mois" et on a une analyse en fait qui se met en place au fil de la discussion et puis on se rend compte que ça fait partie d'un système et qu'on peut peut-être critiquer ou changer ce système là et c'est comme ça que les revendications elles se construisent."

Quelles sont les revendications ?

Les revendications ont elles aussi évoluées au fur et à mesure du déploiement du mouvement.

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"Au début ça part simplement de mécontentemenst ou vécus d'une injustice sur la question de la taxe sur les carburants mais très rapidement les revendications elles se structurent autour de 2 gros éléments qui sont une dénonciation des inégalités économiques et sociales donc on parle de pouvoir d'achat, on parle des impôts qui ont touché trop les plus pauvres ou les revenus les plus modestes, on parle de questions de redistributions de la richesse. Ca c'est ce qu'on a vu dans nos retours de questionnaires ce sont les éléménts les plus pregnents quand on demande aux gens pourquoi ils sont là et ce qu'ils veulent. Et le deuxième élément c'est qu'il y a une opposition très forte au gouvernement, il y a beaucoup de critiques des privilèges des gouvernants, du gouvernement Macron, beaucoup de demande de démission du gouvernement . Et au-delà de la critique, il y a quelque chose qui est apparu un peu plus tardivement mais qui est en train de se diffuser fortement dans les revendications, c'est des demandes de changements institutionnels."

Une défiance à l'égard des politiques

Cette enquête elle ne traduit pas que les envies des gilets jaunes mais aussi un état d'esprit.

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"On est dans une période de crise de la représentation. On y est depuis longtemps c'est à dire où il y a une défiance à l'égard des partis politiques, de la représentation politique traditionnelle. On voit bien que l'offre politique, les partis qui sont en place ne satisfont plus la plupart de la population française. il y a eu une très forte abstention, historique, au deuxième tour de la dernière élection présidentielle et ça on le voit aussi dans notre enquête, il y a une vraie défiance assez importance à l'égard des politiques et aussi des syndicats, à ceux qui traditionnellement représentaient les intérêts de la population. Donc ça, ça parle aussi du rapport que la population a à son système politique en France et ailleurs depuis plusieurs dizaines d'années.