Chantiers navals : le rachat de Fincantieri en question

3 février 2020 à 16h08 par Dolorès CHARLES

Le rachat des Chantiers navals de l'Atlantique pose toujours question à Bruxelles, et aussi en région. Une visite de la commission des affaires économiques au Sénat avait lieu hier. Reportage de Charles Guyard.

HIT WEST
Crédit : Charles Guyard (Hit West)

C’est une vraie ruche avec des ouvriers de plusieurs nationalités et corps de métier qui s’affairent pour achever la construction du Celebrity Apex, un nouveau mastodonte des mers qui prendra le large au mois de mars, à Saint-Nazaire. Une signature "made in Saint-Nazaire" que craint de voir disparaître Sophie Primas, sénatrice Les Républicains des Yvelines et présidente de la commission des affaires économiques au Sénat. Elle s’est rendue hier sur le paquebot pour exprimer son opposition au rachat des chantiers navals par le groupe italien Fincantieri. Pour l’élue, ce refus n’est pas une déclaration de guerre émise par la France à l’encontre du voisin italien.

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« Je pense qu’il ne faut pas du tout mettre ça sur le terrain d’une guerre diplomatique entre la France et l’Italie. Il faut savoir pour l’Italie, la France et l’Europe en général si le rachat des chantiers de l’Atlantique par Fincantieri apporterait des synergies aux deux entrepises et de la puissance européenne sur ce marché du bateau de croisière. Pour l’instant, les arguments des chantiers italiens n’arrivent pas à nous convaincre, nous ne comprenons pas quelles sont les synergies exactes. Nous avons beaucoup de questions en termes de gouvernance, en termes de transparence du pacte d’actionnaires. Nous avons encore aujourd’hui beaucoup de questions ».

Un refus, car Fincantieri a beau être italien, ce n’est nullement la garantie de voir les chantiers navals de Saint-Nazaire rester sous pavillon européen comme l’explique l’élue.

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« Ce qui nous préoccupe nous, c’est que ce n’est pas sûr que ça reste européen. C'est-à-dire que les transferts de technologie et de savoir-faire entre l’Italie et la Chine au travers de Fincantieri nous préoccupent. Si la Chine qui est en retard aujourd’hui sur la création des paquebots de croisière rattrapait son retard, on sait que compte tenu des conditions sociales et des capacités à aller vite d’un point de vue industriel serait en capacité de faire des bateaux de croisière pour 20-25% moins chers que les chantiers européens. (la commission européenne n’a pas les moyens législatifs d’empêcher le transfert de technologies ?) Ce n’est pas du tout l’objet de la direction générale de la concurrence qui doit juste dire si le droit de la concurrence européen s’applique ou pas. Donc ce n’est pas de son ressort de mettre des conditions ».

Un plan B ?

Mais si finalement ce n’est pas Fincantieri, alors qui ? Y-a-t-il un plan B ? La réponse de Sophie Primas avec Charles Guyard.

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« Ce qui est très important c’est qu’on n’est pas pressé aujourd’hui parce que les chantiers de l’Atlantique vont plutôt bien, l’état est actionnaire grand majoritaire, mais n’y restera pas… ce qui est certain c’est que dans ce plan B l’Etat reste un actionnaire avec une capacité d’être décisionnaire avec la minorité de blocage. Et puis derrière les co-traitants, les salariés, le management, les collectivités territoriales, un autre industriel, des fonds de capitalisation… On a le temps aujourd’hui de créer un plan B qui permette d’assurer la pérennité des chantiers ici sur ce site, en France ».

Toutes ces interrogations feront l’objet d’un rapport qui sera remis début mars à la commission des affaires économiques du Sénat. Sophie Primas était accompagnée de Bruno Retailleau, sénateur de Vendée et vice-président des Pays de la Loire qui, a toujours milité contre l’arrivée du groupe transalpin dans le giron des Chantiers.

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« J’ai toujours dit depuis le départ, depuis 2 ans que ce n’était pas la bonne solution. Tout simplement parce que Fincantieri a des accords avec des chantiers Chinois et qu’il y a un risque de transfert de technologie vers Chine. Demain, si Financtieri met la main sur les chantiers de l’Atlantique, les Chinois pourraient aussi peser sur l’avenir industriel de notre région. Ensuite, on a des milliers d’emplois, des sous-traitants, qui dépendent des chantiers de l’Atlantique. C’est grave dans la mesure où il y a un impact sur l’entreprise elle-même mais sur tout le système et l’éco-système notamment d’emplois avec les sous-traitants ».

Comme pour Sophie Primas, Bruno Retailleau espère vite un plan B avec le maintien de l’Etat dans le capital des chantiers.

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La délégation en visite aux Chantiers @CharlesGuyard

Et le Brexit ?

Depuis ce week-end, les Anglais ont quitté l’Europe... Quelles conséquences pour l’économie française et ses entreprises ? Réponse chez son fleuron de l’industrie navale. Aux Chantiers de l’Atlantique, le Brexit ne va pas changer grand-chose. Mieux, cela pourrait même améliorer encore le carnet de commandes. Le président Laurent Castaing avec Charles Guyard.

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« Pour nous le Brexit n’a pas d’influence on a des très peu d‘achat au Royaume Unis et on n’a pas de sous-traitant du Royaume Unis. Donc pour nous directement il n’y a pas d’influence du Brexit. (et en termes de vente ?) Alors en termes de vente, ce n’est pas nous qui vendons, par contre nos clients ont beaucoup de clientèle anglaise, et donc il va falloir voir mais ça peut être éventuellement favorable pour nos clients. Si la clientèle anglaise ne va plus sur le continent, peut-être qu’elle ira plus en croisières ».

Un reportage de Charles Guyard