Deux ans de guerre en Ukraine : témoignage de réfugiées insérées à Rennes

24 février 2024 à 10h03 par Dolorès CHARLES

Atelier Espero - Natalya
Atelier Espero - Natalya
Crédit : Thomas CRABOT

Selon l'ONU, depuis février 2022, huit millions d'Ukrainiens auraient quitté leur pays. Principalement des femmes et des enfants et ils seraient encore 4 000 en région Bretagne. Rencontre avec Natalya et Galina insérées professionnellement à Rennes (35).

Deux ans après le début de la guerre en Ukraine, que deviennent les réfugiés, accueillis dans l'Ouest après le déclenchement de l'offensive russe ? Si une partie d'entre eux a regagné l'Ukraine ou rejoint un autre pays, une grande partie est toujours en France. Beaucoup sont en formation ou en emploi : c'est le cas de Galina et Natalya, qui confectionnent des vêtements haut de gamme chez Espero, uen entreprise d'insertion basée à Rennes.

Une reconversion professionnelle

En Ukraine Galina était ingénieure dans l'aéronautique, et Natalya économiste, mais ces deux passionnées de couture se voient bien continuer dans cette nouvelle voie professionnelle : "Quand j'ai commencé à travailler à Espéro j'étais heureuse, nous avons une très belle équipe, ils sont tous très gentils et sympathiques. Je voulais travailler car j'ai toujours travaillé en Ukraine. Je veux être plus indépendante et plus intégrée en France, c'est pour ça qu'on doit travailler, apprendre les langues... En Ukraine, je faisais de la couture un peu comme un loisir, mais je voudrais continuer comme couturière parce que comme économiste c'est très difficile avec les langues (professionnelles)."

Natalya et Galina
Crédit : Yann Launay

Des réfugiées déjà compétentes

Trois réfugiées ukrainiennes travaillent chez Espéro. L'atelier rennais met ses machines à coudre à disposition  de réfugiés de diverses origines, qui ont tous un point commun : la motivation pour les métiers du textile. Ce n'est pas un choix "par défaut", comme le souligne Marion Lévesque, responsable Espéro Bretagne : "c'est aussi l'intérêt de la structure de montrer qu'on accompagne des personnes qui sont déjà compétentes et talentueuses,et qui n'ont pas besoin d'être formées. Elles ont besoin de monter en niveau ou de lever les freins, mais elles n'ont pas besoin d'apprendre à coudre et elles sont déjà extrêmement douées. C'est aussi l'idée de dire qu'il y a des personnes qui peuvent faire ce métier, qui ont ce savoir faire qui s'est perdu en France, et nous les aidons à réaliser leur rêve. En plus, notre industrie textile ne s'en portera que mieux."

Marion Lévesque, responsable Espéro Bretagne
Crédit : Yann Launay
Atelier Espero - Natalya
Atelier Espero - Natalya
Crédit : Thomas CRABOT

Selon l'ONU, depuis février 2022, huit millions d'Ukrainiens auraient quitté leur pays. Principalement des femmes et des enfants. 5000 environ se sont réfugiés en Bretagne (à peu près autant en Pays de la Loire). Deux ans après, certains sont rentrés en Ukraine, ou se sont installés dans un autre pays, mais environ 4 000 sont toujours en Bretagne, dont 1230 enfants.

"Etre réfugié veut dire normalement ne pas pouvoir retourner dans votre pays d'origine"

Devant cette guerre qui dure, la question de leur statut se pose : s'ils bénéficient de la "protection temporaire", adopté au niveau européen, certains réfugiés ukrainiens souhaiteraient aujourd'hui quitter ce statut particulier pour un statut "de droit commun", pour pouvoir s'insérer durablement en France. Mais ce n'est pas si simple, comme l'explique Philippe Gustin, préfet de la région Bretagne

"Le statut qui peut être proposé à ces déplacés d'Ukraine est le statut de réfugié, c'est quelque chose qui nécessite dans leur évolution d'accepter l'idée de couper vraiment le lien avec le pays. Parce que être réfugié veut dire normalement ne pas pouvoir retourner dans votre pays d'origine. Un réfugié, c'est quelqu'un qui est protégé parce qu'il estime qu'il est victime dans son pays soit de discriminations, soit de violences, etc. Il faut qu'on adapte ce statut à cette spécificité. Souvent, elles ont des maris restés en Ukraine, qui sont au front. Tout ça est évolutif et on doit tenir compte de cette spécificité."

Philippe Gustin, préfet de la région Bretagne
Crédit : Yann Launay

Pour le moment, les réfugiés ukrainiens peuvent bénéficier de la protection temporaire, qui a été prolongée jusqu'en mars 2025 par l'Union européenne. De nombreux rassemblements sont prévus ce jour dans l'ouest.