Une usine invisible va fabriquer des masques dans le Morbihan

22 avril 2020 à 6h36 par Alexandra BRUNOIS

Les collectivités territoriales sont lancées dans une chasse aux masques de protection d'ici le déconfinement le 11 mai. Le Morbihan lui a choisi d'innover avec une usine invisible qui devrait produire 70 000 masques. Reportage de Yann Launay

HIT WEST
Delphine Barre, Meriem Hammi, Anne Morice à l'Icam
Crédit : Yann Launay

A l'approche du 11 mai, les collectivités sont lancées dans la chasse aux masques de protection... Nombre de communes réquisitionnnent des entreprises textiles, ou commandent des masques à l'étranger, mais dans le Morbihan, les collectivités et les services de l'Etat ont fait ensemble un autre choix : les masques seront confectionnés par des centaines de couturières volontaires du département, qui fabriqueront à domicile un modéle de masque standardisé, à partir d'un tissu made in France qui leur sera fourni.

Une véritable "Usine Invisible" dont le fonctionnement démarre, avec comme premier objectif : réaliser 70 000 masques d'ici au 11 mai. Une idée qui devrait faire tache d'huile, puisque le Finistère, les Côtes d'Armor, l'Ille & Vilaine se disent prêts à imiter cette organisation...

Mais pourquoi avoir fait ce choix, quand d'autres collectivités commandent massivement en Chine, au Portugal ou dans les pays d'Europe de L'Est ? La réponse d'Yves Bleunven, maire de Grand-Champ et président de l'association des maires du Morbihan :

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"On sait que l'on a les forces vives sur ce territoire, en capacité de produire : on a vu dès les premiers jours un certain nombres de couturières se mobiliser sur le territoire, la plupart de façon bénévole... et on s'est dit : plutôt que d'acheter des masques en Chine, on pouvait aussi rémunérer nos couturières pour structurer une filière que l'on a appelé 'l'Usine invisible..."

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Le tissu est découpé au laser

UN TISSU FRANCAIS, DES COUTURIERES BRETONNES

Le tissu, fabriqué dans la région lyonnaise, est agréé par la DGA - la direction générale de l'armement - et le modèle retenu n'a pas été choisi au hasard, comme l'explique Meriem Hammi, prof de couture à Auray et membre de l'équipe de l'Usine Invisible :

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"Nous avons dans notre équipe Guenn Suanez, couturière modéliste à Brest : elle a conçu ce masque inspiré d'un modèle coréen, pour qu'il soit ergonomique, qu'il épouse la forme du visage, mais pour qu'il soit confortable, qu'il ne colle pas à la bouche..."

Les couturières, les collectivités, les services de l'Etat ont mis en place toute une organisation logistique pour faciliter la production. Les rouleaux de tissus en provenance de la région lyonnaise arrivent d'abord à Vannes, à l'école d'ingénieurs ICAM, pour la première étape, comme l'explique Yves Bleunven :

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"Le tissu arrive à l'Icam, qui a la chance d'avoir une table de découpe laser : on sort le produit découpé, on constitue un kit avec les 3 couches de tissu, le sergé pour faire les liens, les aiguilles, le fil nécessaire, et ce kit est transmis aux couturières, qui fabriquent le masque suivant un cahier des charges, un tuto video qu'elles ont reçu, il y a d'ailleurs un contrôle qualité de ces masques une fois qu'on les reçoit..."

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Jean Claude Le Bon nous présente le patron des masques

A LA RECHERCHE DE VOLONTAIRES

Les couturières - et couturiers qui participeront à la confection de ces masques seront indemnisés, ils recevront 2,80 euros par masque, comme l'explique Meriem Hammi :

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"En fait c'est un contrat avec les collectivités locales : nous, on a des compétences de couture, en contrepartie, les collectivités nous remercient de cet effort par une indemnité. J'aime appeler cela la "solidarité réciproque" : cette indemnité pourra être réinjectée dans l'économie locale, va servir à faire des achats dans la commune. Et pour les couturières qui souhaitent rester bénévoles, elles pourront mobiliser l'indemnité qu'elles auront perçue au bénéfice des associations..."

260 personnes se sont déjà portées volontaires dans le Morbihan, de quoi théoriquement produire 100 000 masques en 4 semaines. Mais à qui ces masques seront-ils distribués en priorité, dans les communes ? La réponse d'Yves Bleunven :

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"On se doit de protéger nos agents, nos salariés, qui participent à la continuité des services publics, et qui vont assurer l'organisation du déconfinement. La deuxième partie des gens que l'on va protéger : nos publics les plus fragiles : les personnes âgées isolées maintenues à domicile, et les personnes qui ont déjà du mal à faire face financièreement. Et autour de ces personnes fragiles, des bénévoles accompagnent l'action sociale des communes, on se doit de protéger ces bénévoles..."

Les couturiers, couturières prêts à se porter volontaires peuvent prendre contact avec l'équipe organisatrice en envoyant un mail à cette adresse : lusineinvisible@gmail.com

LES COMMANDES EFFECTUEES AILLEURS

La ville de Nantes vient de commander 600 mille masques pour « être prêt le 11 mai ». Une annonce hier de la Maire, Johanna Rolland. Ce masque réutilisable certifié sera remis à chaque nantais, adultes et enfants. Les communes de la métropole devraient se joindre à Nantes pour compléter la commande pour leurs habitants.

A Rennes, les premiers masques eux seront livrés le 7 mai et distribués gratuitement à partir du 8 mai dans une vingtaine de centres dédiés. La ville a commandé 500 mille masques en tissus aux ateliers Fim à Fougères.

A Vannes, ce sont 60 mille masques en tissu lavable qui ont été commandés… ils pourront être lavés entre 30 et 50 fois.

280 mille masques commandés à Saint-Nazaire… Les 10 communes de la Carene veulent distribuer deux masques lavables et réutilisables à chacun des habitants de l’agglomération et ce à partir de la mi-mai.

A Plérin dans les Côtes d’Armor, la ville a commandé de 30 mille masques pour les habitants et 28 mille masques chirurgicaux et FFP2 pour les personnels de l’Ephad et les agents municipaux.

A Quimper, la société Armor Lux elle a adapté sa production de textile à la fabrication de masques. Chaque jour, 2 000 pièces sortent de ses ateliers. L’objectif est de sortir 300 mille masques par semaine d’ici 15 jours. Les commandes affluent notamment de plusieurs collectivités bretonnes… agglomérations de Quimper et Lorient, de la métropole de Brest ou encore du Conseil départemental du Finistère et de la Région.

Douche froide par contre à Plaintel dans les Côtes d’Armor… La Secrétaire d’Etat Agnès Pannier-Runacher a été interpellée par le député Marc Le Fur à l’Assemblée nationale. Le projet de relance de l’usine de fabrication de masques piloté par la Région, le département et Saint-Brieuc Agglo ne semble pas être soutenu pour le moment par le gouvernement… qui estime qu’il y a des alternatives à ce projet… des sites déjà actifs. L’usine de Plaintel est en effet fermée depuis 2 ans… les machines vendues.