Pesticides : la Coordination rurale monte au front en Bretagne

14 novembre 2019 à 7h09 par Alexandra BRUNOIS

Dans le dossier de l'arrêté anti-pesticide de Langouët, la Coordination rurale s'invite dans le débat : le syndicat agricole a fait analyser les eaux issues de la station d'épuration. Reportage de Yann Launay

HIT WEST
Crédit : Yann Launay

Les prélèvements avaient été faits mi-septembre sous contrôle d’huissier, et analysés par un laboratoire de Nantes. Résultat : selon la Coordination rurale, la station d’épuration de Langouët rejetterait dans l’environnement des eaux polluées, comme l’assure Jean-François Couëtil, agriculteur à Roz-sur-Couesnon, en Ille & Vilaine, et président de la Coordination rurale Bretagne :

Écouter le podcast
"Une analyse qui a révélé qu'il y avait plusieurs types de pollution : pollution minérale, surtout par le phosphore : on dépasse de près de 25 fois la norme, donc la station d'épuration de Langouët dégrade fortement le milieu aquatique. Et on retrouve aussi des rejets chimiques : du glyphosate, du bisphénol A, de l'acétone..."

Si les polluants chimiques retrouvés restent dans les normes, le taux de phosphore, lui, dépasserait donc nettement les seuils autorisés. Mais avec ces analyses, que cherche à prouver la Coordination rurale ? :

Écouter le podcast
"Monsieur le maire, commencez donc par traiter correctement vos eaux, avant d'aller stigmatiser, sans preuve, le monde paysan..."

La Coordination rurale pourrait porter plainte contre le maire de Langouët. Le syndicat agricole prévoit de mener des analyses similaires dans les différentes communes où sont pris des arrêtés réduisant ou interdisant les épandages de pesticides.

LANGOUET 13 NOV 2019 COORDINATION RURALE BERNARD LANNES (MICRO) ET JEAN FRANCOIS COUETIL.jpg (370 KB)

Rappelons que l’arrêté du maire de Langouët a été annulé par la justice, le 25 octobre dernier, mais que deux arrêtés anti-pesticides pris par des maires des Hauts-de-Seine viennent eux d'être validés pour "danger grave pour les populations exposées".

La Coordination rurale explique ne pas vouloir défendre les pesticides "à tout prix", mais demande de la compréhension et de l'équité :

Écouter le podcast
"Tout cela évolue avec les connaissances, et évoluera encore, sans doute vers une chimie plus fine, mieux ciblée, moins impactante. Mais dire qu'il faut se passer de la chimie pour la santé du végétal... Au même titre que se passer des médicaments pour soigner la population, c'est peut-être un peu aventureux, et surtout, si on veut interdire des produits phytosanitaires aux agriculteurs français, il faut en faire autant sur tous ces produits agricoles qui viennent de l'autre bout du monde..."

LA REPONSE DU MAIRE DE LANGOUET

Le maire de Langouët n’a pas rencontré la délégation de la Coordination rurale : Daniel Cueff était en déplacement. Il reconnaît que la station d’épuration de sa commune ne fonctionne pas de façon optimale, le lagunage rencontre des problèmes, mais il précise que les services de l’Etat n’ont relevé qu’un excès d’ammoniaque, et Daniel Cueff qualifie la méthode de la Coordination rurale de « méthode de voyous » :

Écouter le podcast
"J'essaye d'améliorer chaque mois, chaque année, le traitement des eaux usées, qui est un problème pour toutes les communes. Mais nous, nous essayons de faire le maximum : nous ne nions pas le problème, c'est toute la différence avec ceux qui nous disent aujourd'hui : "les pesticides, c'est comme les vitamines, c'est bon pour la santé, on ne peut pas s'en passer en agriculture". Pire : "Si vous continuez à nous embêter avec les pesticides, nous vous menaçons.." C'est inacceptable...

LANGOUET PANNEAU ENTREE BOURG.jpg (354 KB)

Face à l'accusation d'avoir pris un tel arrêté par manoeuvre électoraliste, à l'approche des municipales, Daniel Cueff tient à rappeler le contexte de sa décision, une décision qui a ses yeux n'avait rien d'excessif :

Écouter le podcast
"D'une part vous avez des gens de plus en plus informés des dangers des pesticides, qui observent qu'ils en respirent malgré eux, qui sont inquiets. Ils me disent : monsieur le maire, est-ce que vous pouvez faire quelque chose ?. De l'autre côté, les agriculteurs, que je connais bien : une partie d'entre eux sont passés en bio, puis il y a d'autres agriculteurs qui me disent : on ne peut pas renoncer aux pesticides, on a fait des investissements, on a du matériel de plus en plus performant pour épandre. Donc je fais un arrêté d'éloignement des pesticides de synthèse de 150 m de toute habitation : cela protège les habitants, cela n'interdit pas l'agriculture..."

Après l'annulation de son arrêté par le tribunal administratif de Rennes, Daniel Cueff n'a pour le moment pas fait appel. Le maire de Langouët attend la décision du gouvernement, sur les distances minimum d'épandage par rapport aux habitations. Une décision attendue dans les prochains mois.