Les deux ans des Gilets Jaunes : rassemblement à Brest

20 novembre 2020 à 5h17 par Dolorès CHARLES

Deux ans après l'éclosion du mouvement social où en sont les Gilets jaunes ? Si le mouvement est plus discret aujourd'hui en France, il n'a pas totalement disparu : à Brest, par exemple, un rassemblement est prévu demain.

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Crédit : Yann Launay

Deux ans après sa naissance, le mouvement des Gilets jaunes en France est certes beaucoup plus discret, mais il perdure notamment à Brest, où des Gilets jaunes toujours actifs ont prévu de manifester ce samedi. Parmi eux : Emmanuelle et Brigitte, camarades de lutte. Emmanuelle travaille dans un collège comme accompagnante d'élève en situation de handicap. Brigitte, actuellement en arrêt après un accident du travail, a connu le bâtiment et travaillé dans la restauration. Mobilisées depuis deux ans, elles ont participé à des rassemblements de Gilets jaunes à Paris, à Nantes et ailleurs. Pour Emmanuelle, les Gilets jaunes n'ont rien obtenu, et il faut poursuivre la lutte :

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"Mes motivations, c'est que je souhaite un monde meilleur pour mes enfants, et pour les futures générations : je me dis que je ne peux pas me résigner à arrêter, parce que j'aurais l'impression de laisser tomber mes enfants, et les futures générations... Et nous on continue parce que je ne trouve pas normal que dans un pays des Droits de l'homme qu'on puisse maltraiter la population qui lutte pour le bien commun, pour plus de justice sociale, fiscale, environnementale..."

"Malgré les amendes, je continue ..."

Brigitte affiche la même détermination, pas question de ne plus manifester, malgré le contexte sanitaire, et malgré les amendes reçues après les manifs :

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"J'ai pris une amende en janvier, encore une amende en mai, et hier je viens d'en recevoir encore une... Trois amendes à 135 euros... Malgré ça, je continuerai. Je suis une citoyenne, j'ai des convictions, je refuse qu'un gouvernement comme celui qu'on a aujourd'hui, m'impose une vie que je ne veux pas... On vit dans un monde qui n'est pas équitable, il y a les gens d'en-haut, et les gens d'en-bas, 'les gens qui ne sont rien"... On ne m'empêchera pas d'aller dans la rue manifester, exprimer mon ras-le-bol de cette société..."

Un réseau d'entraide a vu le jour

Pour Emmanuelle et Brigitte, si les Gilets jaunes ont obtenu bien peu du gouvernment, ils ont permis à un nouveau réseau d'entraide de voir le jour :

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"Je me suis rendue compte que je n'étais pas la seule à vouloir un monde plus solidaire. Sur Brest, des Gilets jaunes se battent pour aider les gens qui ont du mal à manger à leur faim : on a monté une association, on récupère les repas qui n'ont pas été mangés dans les cantines, pour les donner à des personnes qui sont SDF, précaires ou travailleurs pauvres..."

Samedi, Brigitte et Emmanuelle manifesteront pour marquer les 2 ans du mouvement, pour dénoncer la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement, réclamer plus de justice pour les petits commerçants face aux géants du net et de la grande distribution. Elles manifesteront aussi pour s'opposer au projet de loi "Sécurité globale", et à son article 24 qui encadre la diffusion d'images de policiers et gendarmes en opération (article qui sera repensé, annonce le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin) :

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"C'est normal, si on se fait agresser, si on se prend un flashball dans le visage, si on se fait traîner par les cheveux, de pouvoir se défendre et la seule façon, c'est de prouver par des images. Si on nous enlève ça, la lutte, le mouvement sera mort (...) Ce sera la parole du policer contre la mienne, et en tant que citoyen lambda, ma parole sera nulle par rapport à un policier..."

Le mouvement des Gilets Jaunes a-t-il un avenir ?

Sur l'avenir du mouvement des Gilets jaunes, les deux Brestoisses ne sont pas forcément très optimistes :

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"On a tellement été diabolisés, que les gens ne veulent pas être identifiés "Gilets jaunes"... Même si des gens maintenant - je pense aux petits commerçants, qui subissent de plein fouet les ordres du gouvernement, qui ne peuvent plus travailler, qui vont se retrouver dans des situations critiques : j'espère qu'ils vont se défendre, et à ce moment-là on les soutiendra. Ils ne s'appelleront pas Gilets jaunes, mais ce sera une lutte..."

Les Gilets jaunes appellent à un rassemblement samedi, à 13h30, place de Strasbourg, à Brest. A Lorient, Florence, elle, ne participe plus aux manifestations. Monitrice d'auto-école, gérante de plusieurs agences, Florence était sur les ronds-points il y a deux, elle est même devenue porte-parole locale du mouvement, pendant plusieurs mois. Florence déplore le maigre bilan des Gilets jaunes, mais ne regrette pas le temps et l'énergie qu'elle a consacré au mouvement :

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"Même si ça a été compliqué, j'en garde des bons souvenirs, par rapport aux rencontres que j'ai pu faire. J'en ai aussi un petit goût amer, parce que j'aurais souhaité que cela se passe autrement, et qu'on arrive quand même plus ou moins à nos fins... Aujourd'hui, le mal-être perdure, et même s'accentue, on subit la crise du covid 19... Il y a beaucoup d'argent de mis sur la table, pour essayer de maintenir le pays à flots... Donc ça veut dire qu'il y avait les moyens de faire quelque chose à cette époque-là, puisqu'on les a maintenant... Par contre, il ne faut pas se leurrer : il va falloir rembourser cette dette... C'est toujours donner de la main droite pour reprendre de la gauche..."

GILETS JAUNES LORIENT FLORENCE NOV 2020.jpg (290 KB)

Pour Florence, le mouvement n'a pas servi à rien, mais le bilan est trop maigre :

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"Il a servi à cette époque-là à fédérer du monde, il a servi aussi à faire peur à nos politiques... Au final, il y a eu des choses de faites, c'est vrai qu'une prime ça fait toujours plaisir, mais une prime on l'a sur le moment,et après alors ? Quand on regarde aujourd'hui, il y a de plus en plus de gens dans la rue, sans logement, et malheureusement,avec la crise sanitaire il va y en avoir d'autres..."

Le mouvement citoyenaurait dû créer un parti politique

Mais pour Florence, le mouvement peut reprendre de l'ampleur dans un futur proche, et elle se dit prête à en être :

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"Si la crise perdure, je pense que cela peut redémarrer... Il va falloir que nous on remonte les manches, et qu'on y retourne, qu'on regroupe les gens, et qu'on descende dans la rue à nouveau... Il n'y a pas deux solutions, il n'y en a qu'une... Mais faire les choses différemment, et créer peut-être quelque chose de plus politique : le "mouvement citoyen", comme on l'appelait, aurait dû créer un parti politique... Je trouve que c'est dommage d'avoir scandé au départ qu'on était apolitique... C'était un mouvement contre la politique actuelle, donc forcément un mouvement politique..."

Un reportage de Yann Launay.