Les coursiers à vélo de Nantes créent un syndicat !

2 février 2020 à 15h11 par Dolorès CHARLES

Après Bordeaux, Dijon, Lyon⬦ Les coursiers à vélo de Nantes auront, eux aussi, possibilité de se syndiquer.

HIT WEST
Les coursiers à vélo de Nantes syndiqués
Crédit : Emilie Plantard, pour Hit West

A Nantes, c’est la décision de Deliveroo de baisser le tarif des courses en août dernier, qui a mis le feu aux poudres et convaincu quatre coursiers de créer leur syndicat, porté par la CGT. Au centre des reflexions, le statut d’auto-entrepreneur, la totale opacité des plates-formes et les rémunérations de plus en plus faibles. Car les coursiers, en s’inscrivant sur une plate-forme internet, se soumettent à un algorithme qui décidera vers lequel d’entre eux envoyer une commande, selon sa position, son implication. Il fixera également le tarif en fonction de paramètres mal connus des coursiers. Cette opacité est largement pointée du doigt par les principaux intéressés.

Anthony Yaba est coursier à vélo et co-fondateur du syndicat avec Emilie Plantard.

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"On ne sait pas trop comment ça fonctionne les algorithmes, on n'a aucune vision là-dessus... Le vrai problème, c'est sur la tarification parce que d'une journée à l'autre, ce n'est jamais vraiment la même chose. Les règles du jeu changent au bon vouloir des plateformes, qui fixent le niveau des tarifications. On n'a aucune vision là-dessus, et c'est ce qui est paradoxal quand on se dit auto-entrepreneurs... Quand on est auto-entrepreneurs, c'est à nous de fixer le tarif de notre travail et d'évaluer notre travail, ce qui n'est pas du tout le cas avec ces plateformes ... car ce sont celles qui gèrent le truc et (elles) font un peu ce qu'elles veulent ... Oui c'est un problème."

Rompre l'isolement, et interpeller le Gouvernement

Avec le syndicat, les quatre coursiers espèrent faire front face aux géants que sont Delivroo, Uber Eats, Just Eat, Stuart… pour lesquels ils travaillent de manière plus ou moins intense. Le premier des objectifs est de rompre l’isolement de ces professionnels indépendants.

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"On a conscience qu'on se bat contre des grosses machines, et en même temps jusque-là il n'y avait strictement rien ... donc on est tous individualisés et on est tous dans notre coin. Moi, des coursiers à Nantes j'en connaîs trois - quatre, ceux avec qui on a monté le syndicat en l'occurrence, mais sinon on se croise sur la route, on n'a pas de temps d'échanger, donc un des premiers enjeux de ce syndicat c'est justement de mettre en place un côté convivial, de se rencontrer les uns les autres et faire corps entre nous, car on a des problématiques communes... On est tous concernés en fait."

L’objectif est également de pouvoir interpeller le gouvernement sur les pratiques des plates-formes, parfois aux limites de la légalité.

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"On attend que le législateur prenne ses responsabilités et agisse en conséquence. Le code du travail n'est pas spécialement respecté dans ces cas-là, c'est vrai qu'officiellement on a des contrats de collaboration, mais nous on parle plutôt de salariat déguisé, et on attend du législateur qu'il prenne des mesures nécessaires pour endiguer le phénomène parce que c'est un phénomène qui se développe ... c'est ce qu'on appelle l'Ubérisation de la société et c'est quelque chose qui à nous nous parait essentiel à encadrer... Il faut légiférer sur ces questions."

Le témoignage de Robin

Robin est coursier à plein temps depuis 2 ans, il travaille uniquement pour Deliveroo, opérateur historique à Nantes. Il est venu à l’AG pour pouvoir se syndiquer. Lui a vu les conditions de travail et de rémunération se dégrader au fil du temps et croit en l’intérêt de s’unir.

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"Dépendre d'un algorithme et d'un nouveau système où tout se base sur le numérique et où la part humaine est sacrifiée sur le rendement .. il y a des questions qui doivent se poser, et l'évolution de ce genre de boulot par les plateformes est pour moi négative... Vu qu'on n'a pas de vision sur l'avenir ou sur comment se développe ces plateformes, je pense qu'il faut de plus en plus se sécuriser et donc se syndiquer pour pouvoir assurer ses arrières en cas de rupture de contrat (abusive), ou même de prise de décision de Deliveroo qui pénaliserait tous les livreurs en fait."

A Nantes, une assemblée générale a lieu chaque 15 du mois, à 15 heures à la maison des syndicats. Toutes les infos sur la page Facebook de Scala.

Reportage d'Emilie Plantard.