La loi "sécurité globale" passe mal

26 novembre 2020 à 7h49 - Modifié : 13 octobre 2021 à 10h34 par Emilie PLANTARD

HIT WEST
Crédit : @Hit West

La loi sécurité globale n'en finit pas de faire parler⬦ Adoptée hier en première lecture à l'assemblée nationale, elle provoque la colère de nombreux citoyens et associations qui organisent des manifestations un peu partout. A Quimper, la section locale de la Ligue des Droits de l'Homme appelle à se réunir demain jeudi, pour s'opposer à ce texte de loi et notamment à l'article 24.

Portée par 2 députés de la République en Marche, la loi Sécurité Globale est issue d’un rapport parlementaire qui avait pour objectif de proposer une meilleure sécurité au service des français, dès 2019. ? Elle porte sur les outils de surveillance, la protection des forces de l’ordre et le renfort des polices municipales et passe assez mal auprès de nombreux collectifs et associations, qui y voient une loi liberticide. La section quimperoise de la Ligue des Droits de l’Homme appelle d’ailleurs à manifester jeudi à Quimper, Dominique Brunel, président de l’association en Bretagne explique pourquoi :

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"Il y a une loi de sécurité global et dans cette loi, il y a des articles inquiétants notamment sur les drones, notamment sur un transfert de compétences de la police nationale à la police municipale, le porte d’arme par des policiers en civil même dans des établissements publics… Mais il y en a 1 particulièrement, l’article 24 qui porte atteinte à la liberté d’expression, au travail des journalistes et à la possibilité qu’a tout citoyen de demander des comptes à sa police."

Les conséquences graves de l'article 24

Cet article 24 a été déposé directement par le gouvernement. Il modifie la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse en permettant la sanction d’1 an de prison et de 45.000 euros d’amande la diffusion des visages des forces de l’ordre ou de tout autre élément permettant de les reconnaître, dans un but malveillant. L’objectif est de protéger les forces de l’ordre sur les réseaux sociaux. Pour Dominique Burel, cela va surtout nuire à la liberté.

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"Cet article 24 est le plus dangereux et est un recul terrible s’il était adopté parce que là c’est pour l’instant une première lecture et s’il n’était pas retoqué par le conseil constitutionnel, il serait d’application immédiate et ce serait un recul terrible puisqu’à côté de l’interdiction de filmer, c’est-à-dire de porter témoignage des abus, s’il n’y avait pas la presse, pas la télévision, on ne pourrait pas porter de témoignage de malversations."

Le sujet des violences policières

Le problème des violences policières est récurrent ces dernières années, que ce soit en manifestation ou en interpellation, dans les quartiers populaires par exemple. Cette loi pourrait donc, encore un peu plus, protéger certains policiers déviant comme l’explique Dominique Brunel :

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"Dans les forces de l’ordre, il y a quelques policiers ou quelques membres de la hiérarchie de la police ou de la gendarmerie, qui mordent le trait. Et donc il faut arrêter cette impunité pour ces personnes-là. Parce qu’il y a des gens admirables dans la police, une police du quotidien qu’il faut saluer, ils ont un métier difficile, ils ont le droit de travailler en sécurité mais ils ne peuvent pas accepter que dans leurs rangs, il y a des comportements racistes, des comportements violents et c’est insupportable il faut y mettre fin. On n’a pas l’impression que tout le monde soit égal. Si moi je fais ça, je suis devant le tribunal."

Des exemples trop nombreux...

Ce sentiment de violence policière s’est peut-être exacerbé ces dernières années, avec des événements parfois dramatiques. On se rappelle des affaires Théo, Adama Traoré, Cédric Chouvia, Steve Maïa Caninço… Et puis surtout durant les manifestations. Aéroport, loi travail, et surtout gilets jaunes. Ce dernier mouvement de grande ampleur a connu des accès de violence un peu partout sur le territoire, des actes inadmissibles ont été commis de la part de casseurs et de policiers, prenant en otage les simples manifestants…

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"Cette peur des gilets jaunes a provoqué une violence policière, pour le maintien de l’ordre, on a l’impression que la doctrine a changé. Avant on avait l’impression qu’on faisait tout pour qu’il n’y ait pas de blessés et là, on avait l’impression qu’on faisait tout pour casser les manifestations. En face, ceux qui cassaient, ils sont connus. A Quimper, il y avait une vingtaine de casseurs, cagoulés. Vous n’allez pas me dire que les services de police ne savent pas les repérer, les interpeller ! Quand les forces de police se mettent à charger après somation, à juste titre, ils chargent qui ? Ils chargent des gens qui sont là pour manifester tranquillement. C’est impensable."

Qu'il faut pouvoir dénoncer

Pour la Ligue des Droits de l’Homme, ce type de violences ne doit pas rester impunie. Or, il est aujourd’hui très difficile de s’attaquer aux policier déviants, et cet article 24, censé protéger les policiers et leurs familles, ne ferait que renforcer cette impunité.

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"Il y a 9 articles dans le code pénal qui les protège et répond à leurs attentes, donc l’article 24 ne sert à rien. Il a simplement pour mission, selon nous, de cacher ce qui se passe et de ne pas permettre les contre-pouvoirs celui de la presse et celui du peuple, de dire c’est intolérable, ces images sont intolérables. Et s’il n’y avait pas eu ces images-là, il y a un certain nombre de faits qui ne seraient jamais sortis. L’affaire Bénalla ne serait jamais sortie. Donc la presse est en danger. Et quand la presse est en danger, je suis en danger."

Besoin d'accréditations...? Vraiment ?

Face à la fronde, Gerald Darmanin est intervenu récemment en précisant que les journalistes avaient la possibilité de flouter les visages mais surtout en proposant de les accréditer. Une nouvelle aberration selon Dominique Brunel de la Ligue des droits de l’homme :

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"Ca veut dire que c’est l’Etat qui doit contrôler qui doit prendre des photos, qui doit parler et c’est remettre totalement en cause la liberté de la presse, c’est remettre en cause un des piliers fondamentaux de la démocratie. Déjà dans vos métiers vous avez du mal à avoir des moyens pour faire des enquêtes longues, mais si en plus on ajoute des contraintes de cette nature, c’est catastrophique. Et la question qu’on se pose, c’est pourquoi cet article ? Il est soi-disant fait pour protéger les policiers, mais on sait que d’empêcher de filmer, ça ne résous en rien la situation légitime des policiers, à savoir travailler en sécurité."

Le 1er ministre Jean Castex a par ailleurs confirmé son intention de saisir le Conseil Constitutionnel concernant cet article 24, après son adoption définitive par le parlement. Le texte devrait être examiné au Sénat en janvier prochain.