La crise sanitaire déchire le marché de Noël de Nantes

4 décembre 2020 à 21h51 - Modifié : 13 octobre 2021 à 10h35 par Emilie PLANTARD

HIT WEST
Crédit : @Hit West

La société 2A Organisation, qui organise notamment les marchés de Noël de Nantes et d'Angers, doit faire face aux annulations des festivités à cause de la crise sanitaire. Un aléa qu'elle fait payer en partie aux commerçants occupant les petits chalets, à hauteur de 50% du montant total de la location. Trop pour certains d'entre eux, qui ont décidé de porter l'affaire en justice.

L’esprit de Noël a définitivement quitté les traditionnels marchés de Nantes et d’Angers, annulés pour cause d’épidémie de Covid-19. Un collectif de 18 commerçants a saisi en référé le tribunal de commerce de Nantes le 30 novembre dernier, pour dénoncer les pratiques commerciales de l’entreprise organisatrice des événements, 2A Organisation. Celle-ci a en effet stipulé dans les contrats de location de chalets que chaque commerçant s’engageait à verser 50% de la somme totale en cas d’annulation. Si les commerçants ont bien signé au printemps dernier, ils dénoncent aujourd’hui des pratiques malhonnêtes, qui profitent d’un marché tendu. Jacques Chevalier, commerçant à Savenay, est l’un d’entre eux :

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"Sur un marché de Noël il y a un nombre de places restreintes. S’il y a 120 places, il n’y a pas 1 place de plus. Ce qui veut dire que celui qui ne signe pas la convention ne peut pas prétendre à une place, qui forcément sera attribuée à une autre personne. Ce qui veut dire aussi que ça a des conséquences sur les années qui suivent, il sera prioritaire donc c’est soit tu signes et tu as un emplacement, soit tu ne signes pas et tu ne peux pas prétendre à 1 emplacement, même dans les années qui suivent. Implicitement c’est ça. Donc ce n’est pas parce que l’exposant signe le contrat qu’il le cautionne, il subit le contrat."

Une retenue exagérée ?

Le collectif affirme ne pas s’opposer à un quelconque encaissement, le problème reposerait plus sur le montant de cette somme. Si les relations étaient au beau fixe entre l’organisateur et Jacques Chevalier, exposant depuis 15 ans, ce dernier se sent aujourd’hui spolié par l’entreprise nantaise.

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"Si elle avait dit on prend 5% parce que j’ai des frais de commercialisation, c’était normal. Mais prendre 50% ! La société 2A va donc réaliser 50% de son chiffre d’affaire sur le marché de Noël de Nantes alors qu’elle n’aura aucun frais de mise en place, aucun frais de démontage, aucun frais de loyer, il faut comprendre que chaque chalet est redevable d’un forfait électrique de 600 euros et d’un forfait de sécurité de 360 euros. Comment se fait-il qu’on puisse nous mettre à charge des sommes qu’elle-même ne va pas régler ? C’est absolument inconcevable."

Nantes, Angers...? Des cas isolés ?

A Rennes, la société organisatrice a fait le choix de rembourser intégralement les commerçants. Dans d’autres villes, seules des petites sommes ont été prélevées. Nantes et Angers semblent faire exception avec leurs 50% de retenue.

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"J’ai moi-même des marchés dans d’autres villes, à Annecy, à Paris où les commerçants sont remboursés, des fois on retient des frais de dossier, mais c’est tout. En fait c’est comme si 2A voulait réinventer les pratiques commerciales entre fournisseurs et clients. Il y a un respect qu’on doit observer autant le client que le fournisseur. Là il y a un comportement irrespectueux, méprisant."

La position de l'organisateur

C’est donc cette légalité que devra déterminer le tribunal de commerce lors d’une audience ce mardi 8 décembre. Le comportement irrespectueux que dénonce le commerçant, le directeur général de l’entreprise 2A Organisation, Thibault Delourme, le réfute catégoriquement. Lui assure avoir eu une attitude responsable :

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"L’attitude responsable c’est quoi ? D’abord on va voir les assureurs, ils nous disent on ne prend pas en charge le risque. Deuxième point, on se dit que si on est dans le scénario le plus difficile, que serions-nous capables de faire ? Ensuite, on en informe nos clients. Nous si c’est annulé, on peut vous rembourser jusqu’à ce montant-là, est-ce que vous êtes d’accord ? Ils nous disent oui, donc on organise les marchés de Noël et au dernier moment ils sont annulés. Et on vient nous dire finalement, je ne suis pas d’accord et je souhaite renégocier ce montant. Ce n’est pas entendable. La détresse est entendable mais renégocier un contrat à postériori, ça ne l’est pas."

Une clause pour sauver l'entreprise

Du côté de l’organisateur, on refuse de mettre en péril l’entreprise qui réalise 97% de son activité à Noël. Il estime sa perte de chiffre d’affaire à 4,5 millions d’euros pour 2020 et a préféré limiter les risques en ajoutant cette clause au contrat avec les commerçants, qu’ils ont tous signés.

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"Cette clause est encadrée, elle est valable juridiquement, moi je ne conteste pas le droit qu’ils ont de porter cette affaire au tribunal de commerce, la justice se saisit du dossier et elle statuera en fonction des éléments qu’elle a à sa disposition. Par contre ce que je peux dire, c’est que quand ils ont signé le contrat, ils étaient au fait des conditions de remboursement en cas d’annulation, ils étaient au courant qu’on ne pouvait pas aller plus loin parce que sinon ça mettait notre société en défaut. On s’est mis d’accord sur un partage des risques et aujourd’hui il y a une volonté de leur part de renégocier le partage des risques. Ce n’est pas entendable."

Le collectif ne demande aucune contrepartie à la mairie de Nantes, qu’il estime extérieure au conflit. Elle ne s’est pas encore positionnée sur cette affaire.
Jacques Chevalier, quant à lui, confie que certains commerçants n’ont pas osé rejoindre le collectif pour ne pas perdre leur place sur les prochains marchés de Noël. Si les fêtes de 2020 s’annoncent définitivement tristes, celles de 2021 risque d’être épicées !