Citad’Elles, une première année épuisante mais salutaire

23 novembre 2020 à 16h28 par Emilie PLANTARD

A Nantes, un nouveau centre d'accueil des femmes victimes de violences voyait le jour en novembre 2019. Un lieu unique qui rassemble de nombreux partenaires pour faciliter la prise en charge de ces femmes et qui a vécu une première année très particulière⬦

HIT WEST
Crédit : @Nantes Métropole / Facebook

Dès les premières semaines d’ouverture (le 25 novembre 2019, ndlr), les initiateurs de Citad’elles ont pu mesurer la pertinence de ce projet d’un nouveau genre. Ce lieu d’accueil pour les femmes victimes de violences, ouvert 7 J/7 et 24 H/24 a rapidement ouvert ses portes à une cinquantaine de femmes par semaines, pour leur proposer un accompagnement sur mesure, via les nombreux partenaires présents sur place. Assistance psychologique, médicale, juridique, administrative, policière… Les femmes peuvent trouver rapidement l’aide dont elles ont besoin, jusqu’à mise à l’abri dans un appartement si besoin. Ce qu’ils n’imaginaient pas, c’est peut-être la difficulté de cette première année de mise en service… Car l’année 2020 a connu le confinement, l’augmentation des violences intrafamiliales et la gestion du virus, sans jamais renoncer. Valérie Alassaunière est directrice du centre Citad’Elles et les différentes équipes ont dû s’adapter aux mouvements de cette année de lancement :

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"Je dirais surtout que ça a été tourmenté par la crise, oui c’est forcément difficile parce qu’il faut consolider les process, rendre une équipe mobilisée, mais je pense que ce qui a peut-être été le plus difficile c’est le fait d’avoir été confronté à la crise sanitaire à peine 3 mois après l’ouverture. On avait à peine 3 mois d’existence que la structure a dû s’adapter à l’urgence, et à la crise sanitaire. Après, compliqué pour la structure certes, mais surtout pour les femmes qui sont venues à Citad’Elles."

Une triste affluence...

Impossible de chiffrer réellement l’impact du 1er confinement puisqu’il est intervenu rapidement après le lancement du site. Mais il est certain qu’il a provoqué une augmentation des violences et de leur intensité. Aujourd’hui, 80 femmes sont accueillies en moyenne chaque semaine à Citad’Elles dont 25 franchissent la porte pour la première fois.

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"Après le 1er confinement oui, on a eu une augmentation importante de l’activité, quasiment 50% de plus de rendez-vous avec les opérateurs, et puis en terme de nombre de femmes accueillies à Citad’Elles, c’est 1250 quand même depuis l’ouverture, et puis ce qu’on a vu aussi, c’est une activité lors du 1er confinement, sur la mise en sécurité des femmes et donc des situations d’urgence et de grave danger qui ont été prises en charge puisque la structure est restée ouverte 7 j/7 et 24h/24 et que Citad’Elles a mis en sécurité un certain nombre de femmes pendant cette période."

Une violence qui touche tous les milieux

Sur 1 an, 45 femmes ont dû être prises en charge en urgence afin d’être relogées…
Ces femmes, 1250 depuis novembre 2019, ont toutes le point commun d’être victimes de violences, actuelles ou passées. Mais elles ont des situations bien différentes et ne conviennent à aucun stéréotype.

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"Il n’y a pas de profil type. Ce sont des femmes de tous âges, la plus jeune a 18 ans, la plus vieille a 85 ans. De toutes catégories sociales, de femmes sans emploi jusqu’aux cadres supérieures, et ça renforce l’idée que toutes les femmes sont concernées par ce fléau. La majorité des femmes qui viennent à Citad’Elles, pendant ou hors confinement, à 93%, sont des femmes qui ont subi des violences conjugales ou intrafamiliales. Et puis dans le cadre des violences conjugales, forcément des violences sexuelles, mais qui ne s’expriment pas forcément au début. Qui peuvent être abordées facilement dans le cadre du parcours qui se construit au sein de la structure."

La pertinence d'un projet collaboratif

Une femme peut, dans son parcours Citad’Elles, être soutenue par une association, avoir accès à un soutien psychologique, consulter un avocat, démarcher les Caisses d’Allocations Familiales et même porter plainte… Sans avoir à franchir d’autres portes que celle-ci. Ce concept original de collaboration a prouvé sa pertinence en cette première année et peut même aller plus loin.

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"Il faut qu’on poursuive ce travail de mise en réseau. Il faut quand même qu’on soit une pierre angulaire mais il faut s’appuyer sur les ressources du territoire. J’irais même plus loin, il faudrait plusieurs Citad’Elles en France ou des structures équivalentes, pour nous permettre aussi parfois de trouver des réponses à des femmes qui malheureusement sont amenées parfois à être obligées de quitter le territoire. Donc d’avoir un réseau au niveau nationale, ce serait super !"

La difficile prise en charge des enfants

Une autre source de préoccupation de la structure réside dans la prise en charge des enfants, souvent victimes eux aussi, des violences faites à leur maman. Un axe de travail et d’amélioration important.

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"La question des enfants, cette année, elle nous explose au visage. On a quand même 54% des femmes qui viennent qui sont mères, et quand elles viennent avec leurs enfants, les professionnels qui peuvent les écouter se rendent compte des traumatismes et de la nécessité de prendre tout de suite les choses en main, enclencher un accompagnement auprès de ces jeunes enfants. Notre difficulté ça a été sur les enfants en bas-âge, où là, on travaille un nouveau partenariat avec l’association les Pâtes au beurre, pour qu’on ait une écoute spécifique et experte auprès de ces enfants. On doit encore aller plus loin."

L'indispensable éducation des plus jeunes

Si la violence faite aux femmes est un cheval de bataille de la maire de Nantes, mais aussi du gouvernement en 2020, le chemin est encore long et la prévention doit être prioritaire. Notamment auprès des jeunes, 14% des femmes ayant fréquenté Citad’elles ont moins de 25 ans, dont l’éducation à la sexualité est parfois inquiétante.

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"Ce qu’on voit aussi à Citad’Elles ce sont aussi de jeunes majeures traumatisées par leur première expérience de couple. Et je n’oserais pas dire amoureuse parce que ce qu’elles ont subi, c’est juste de la violence sexuelle, c’est du viol. Et ça, les jeunes femmes viennent en parler à Citad’elles et les aider à libérer leur parole et mettre des mots sur ce qu’elles ont vécu ce n’est pas une expérience sexuelle normale, montre bien qu’au niveau des ados, il y a un gros boulot à faire. Donc c’est toute cette adaptation là qu’il faut aussi qu’on travaille. Moi c’est vraiment quelque chose que je trouve très inquiétant."

Mercredi 25 novembre, ce sera la journée internationale pour l’élimination de la violence faite aux femmes. En France chaque année, 220.000 femmes sont victimes de violences conjugales. Chaque année, trop de femmes meurent sous les coups de leurs conjoints, elles étaient 146 en 2019, soit 25 de plus qu’en 2018.