Brexit : l'inquiétude des pêcheurs bretons

22 décembre 2020 à 8h46 - Modifié : 13 octobre 2021 à 10h35 par Alexandra BRUNOIS

HIT WEST
Crédit : Pixabay

Les négociations sur le Brexit se poursuivent entre l'Union européenne et le Royaume-Uni,. Mais, elles bloquent sur le dossier de la pêche... Toujours pas d'accord en vue... Et l' inquiétude est de plus en plus vive chez les pêcheurs bretons. Reportage de Yann Launay

Londres propose à l’Union Européenne de réduire de 35% sa pêche dans les eaux britanniques… les européens seraient favorables à 25%... la France a beaucoup moins…

En cas de Brexit "dur", dès le 1er janvier ils ne seront plus les bienvenus dans les eaux britanniques, très poissonneuses... Il faut savoir que deux tiers des volumes débarqués dans les ports bretons sont pêchés dans les eaux britanniques...

La filière toute entière redoute donc un Brexit sans accord... Mais redoute aussi un accord qui leur serait défavorable... Un risque qui vient d'augmenter considérablement, selon Soizig Palmer-Le Gall, patronne de l'"Armement Bigouden", basé au Guilvinec, et présidente de l'Organisation des Pêcheurs de Bretagne.

Elle dénonce les concessions faites aux Anglais par l'Union européenne. Pour avoir accès aux eaux britanniques, les pêcheurs du continent devraient ainsi accepter de donner une partie de leurs quotas, de leurs droits de pêche, aux Anglais :

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"C 'est à dire : on pêche 100 tonnes d'aiglefin, on en laisserait 25% aux Britanniques... Et pour d'autres espèces, c'est beaucoup plus que cela... Des armements entiers ne pourront plus pêcher : ce n'est pas suffisant pour être rentable... On sacrifie une partie des quotas européens dans le Nord-Ecosse et l'Ouest-Ecosse, qu'on donnerait aux Anglais : cela risque d'impacter la pêche bretonne et toute la filière, c'est des milliers d'emplois... On en vient à cette conclusion : il vaut mieux pas d'accord du tout qu'un mauvais accord..."

Mais après tout, si le Royaume-Uni veut se réserver la pêche dans ses propres eaux, alors les bateaux bretons, normands, hollandais ou allemands n'ont qu'à aller pêcher ailleurs...

Impossible, répond Olivier Le Nézet, président du Comité des pêches de Bretagne :

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"Si un navire qui travaille dans les eaux britanniques souhaite venir dans les autres eaux européennes, il ne le peut pas : il n'est pas délocalisable, parce qu'il y a une obligation dans la politique commune des pêches d'avoir des ressources durables, et les flotilles sont au maximum de leurs capacités autorisées, en termes d'exploitation des ressources..."

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Le chalutier JP Le Roch

Les pêcheurs bretons "lâchés" par l'Union Européenne

Soizig Palmer -Le Gall et les pêcheurs bretons se sentent "lâchés" par l'Union européenne, et craignent non seulement une baisse des volumes de poisson qu'ils pourront pêcher dans les eaux britanniques, mais aussi les conséquences à plus long terme de l'accord qui semble se profiler :

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"Dans les années qui vont suivre, les Anglais pourront exporter dans l'Union européenne à des conditions de douane avantageuses : le poisson britannique dévalerait vers l'UE à des prix très bas, et nous notre poisson ne pourrait pas être vendu correctement, on serait envahis par le poisson britannique... C'est la double peine..."

Pour Olivier Le Nézet, la pêche n'est pas un simple dossier parmi d'autres, dans ce Brexit, c'est un point de blocage majeur parce que c'est un enjeu économique, bien sûr, mais aussi parce que c'est un symbole, et pour le président du comité des pêches de Bretagne, c'est aussi pour cette raison que l'Union européenne ne doit pas "sacrifier" la pêche pour arracher un accord

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"Ce n'est pas possible que le Royaume-Uni soit celui qui gagne : si demain, sortir de l'Europe c'est être gagnant, n'importe quel Etat en Europe va demander à sortir de l'Europe... Alors que le miracle bleu qu'était l'unification des eaux européennes, est la seule chose qu'a su faire l'Europe aujourd'hui. Ce n'est pas acceptable, pour tout Européen, qu'un pays qui sorte de l'UE soit gagnant à la sortie..."