Des bateaux dépollueurs made in Paimpol

3 juin 2021 à 11h49 - Modifié : 12 octobre 2021 à 16h13 par Alexandra BRUNOIS

Le Mobula 8, catamaran dépollueur fabriqué par Efinor à Paimpol
Le Mobula 8, catamaran dépollueur fabriqué par Efinor à Paimpol
Crédit : Yann Launay

Lutter contre la pollution plastique en mer : c'est l'objectif de l'association "The SeaCleaners", fondée par le navigateur Yvan Bourgnon. Un grand voilier nettoyeur, le Manta, doit être lancé sur les mers en 2024. Mais le voilier sera accompagné de petits bateaux dépollueurs, et le premier a été mis à l'eau mardi à Paimpol, dans les Côtes d'Armor. Reportage de Yann Launay

Baptisé "Mobula 8", c'est un petit catamaran de 9m sur 3m80 capable d'aspirer les pollutions et de les trier à bord. Conçu par le chantier Efinor, à Paimpol, c'est une solution inédite, à la fois simple et efficace, à la satisfaction d'Yvan Bourgnon :

"On peut vraiment à la fois collecter les macro déchets plastiques, les microparticules de plastique à partir de 1 mm, ce que l'on ne faisait jamais avant, et les hydrocarbures. C'est souvent ce que l'on retrouve dans les ports et les rivières : amas de plastique, de pétrole, de déchets en tous genres qui flottent, et avec ces petits bateaux on va pouvoir ramasser tout ça..."

Yvan Bourgnon, navigateur et fondateur de SeaCleaners
Yvan Bourgnon, navigateur et fondateur de SeaCleaners
Crédit : Yann LAUNAY

Construit en aluminium, le "Mobula 8" a vocation à intervenir dans les fleuves, les rivières, les ports, pour intercepter les déchets avant qu'ils ne se retrouvent dans l'océan. Il peut nettoyer une zone de 15 000 m² par heure et stocker jusqu’à 2,4 tonnes de déchets solides dans ses "big bags" en voiles de bateau recyclées. Des bateaux dépollueurs de ce type existaient déjà, mais la polyvalence de ce modèle conçu pour - et avec - The Sea Cleaners est une première, comme l'explique Ivan Janeau, directeur technique du chantier Efinor de Paimpol :

"On a un chenal d'eau au sein du bateau : le moteur de propulsion permet aussi de faire l'aspiration. L'idée c'est de venir aspirer les pollutions au sein du bateau pour les traiter. Les plastiques volumineux vont être capturés par une grille, en forme de panier, qui va venir déverser ces déchets sur une table de tri, où un opérateur va retirer les algues, les petits poissons qui seraient pris dans le système, pour les relacher à la mer. Si jamais il y avait des pollutions hydrocarbures dans l'eau ramassée, au sein du bateau, on a une cuve de séparation qui va évacuer les eaux propres, et garder les hydrocarbures."


Ivan Janeau, directeur technique du chantier Efinor de Paimpol
Crédit : Yann Launay

Le Mobula 8 partira cet automne pour une première mission en Indonésie, où l'on trouve 5 des 20 fleuves les plus pollués au monde. Le plastique collecté sera transformé en énergie ou recyclé sur place.. Un défi aussi grand que la collecte en elle-même :

"S'il n'y a pas d'usines de recyclage développées dans ces pays-là, c'est parce que les entreprises comme Véolia perdent de l'argent. Si nous, on arrive en leur disant : on vous apporte des fonds, on vous apporte le complément, tout d'un coup les projets sont viables... Parce que c'est ça le problème : c'est rentable de traiter le carton, c'est rentable de recycler le verre, mais c'est malheureusement déficitaire de recycler le plastique..."

Yvan Bourgnon
Crédit : Yann LAUNAY

Cette première mission en Indonésie poursuit 3 buts, comme l'explique Eric Le Plomb, directeur opérationnel de SeaCleaners :

"C'est d'une part mettre le bateau à disposition d'acteurs locaux, là-bas, qui ne peuvent pas collecter le plastique sur l'eau, donc on va leur donner un outil supplémentaire pour aller sur les can,aux de mangrove, sur le littoral. Une fois collectés ces déchets, soit on les recycle, soit on les valorise sous forme d'énergie. Le troisième volet, c'est d'aller identifier les grandes zones de concentration, de préparer les missions de collecte du Manta quand il sortira en 2024-2025..."


Eric Le Plomb, directeur opérationnel de SeaCleaners
Crédit : Yann LAUNAY

Pour Yvan Bourgnon, bien sûr, l'idéal serait de ne pas jeter de déchets plastiques dans l'environnement et The SeaCleaners intervient aussi, d'ailleurs, pour sensibiliser le public. Mais il y a urgence à agir, et les perspectives, à court ou moyen terme, n'incitent pas à l'optimisme selon lui : "C'est des utopistes qui disent "on va éduquer les gens, et cela va suffire.."Oui, peut-être que cela arrivera dans certains pays, mais malheureusement, l'Afrique va multiplier par 100 sa consommation de plastique dans les années qui viennent, et il n'y a aucun projet de centre de recyclage... Il y a du travail pour 500 Mantas et des milliers de Mobulas avant que la situation ne s'inverse...."