Il y a 40 ans : l'Amoco Cadiz s'échouait à Portsall

9 mars 2018 à 18h23 par La rédaction

C'était le 16 mars 1978 : l'Amoco Cadiz s'échouait au large de Portsall, dans le Finistère, libérant 220 000 tonnes de pétrole brut. Une marée noire qui marquera un tournant dans l'histoire de la navigation, un tournant dans la surveillance, la prévention et la lutte contre ce type de catastrophe.

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Après le naufrage du supertanker, plus de 300 km de côtes sont souillées par le pétrole brut. Des milliers d'oiseaux sont mazoutés, et malgré la mobilisation rapide de centaines de personnes pour le nettoyage, la marée noire laissera un impact durable sur le milieu, comme l'explique Vincent Le Garrec, ingénieur d'étude à l'Institut Universitaire Européen de la Mer, à Brest :
"Sur les zones rocheuses, les algues ont mis entre 5 et 10 ans avant de revenir à un état pré-catastrophe : les algues vertes sont revenues sur les rochers, puis les algues brunes se sont installées, et ensuite toute la faune : les patelles, les bigorneaux... Pour les autres habitats, on sait que des espèces ont disparu, et ne sont pas encore revenues..."
 
Après la marée noire de l'Amoco, des mesures pour sécuriser le trafic maritime ont été prises : le fameux rail d'Ouessant, qui régule la navigation, a été éloigné de la pointe bretonne, et une voie réservée a été créée pour les pétroliers et les navires transportant des matières dangereuses.
 
40 ans après, le trafic maritime est sous haute surveillance, et les satellites jouent un grand rôle. L'un des acteurs de cette surveillance est basé à Brest : l'opérateur CLS reçoit et traite les images satellites pour le compte de l'Agence européenne pour la sécurité maritime. L' antenne sateliite de Plouzané reçoit des images toujours plus précises, pour repérer d'éventuelles pollutions volontaires on accidentelles. Un traitement automatique existe, mais les analystes restent indispensables pour interpréter les images, comme l'explique Guillaume Hajduch, responsable R&D chez CLS Brest :
 
"L'oeil humain reste essentiel, tout n'est pas automatisé, pour s'assurer que l'on envoie des alertes que quand des pollutions sont avérées, et pour ce faire il est nécessaire d' avoir une très bonne connaissance de l'activté maritime. Une traînée d'hydrocarbures peut être confondue avec une traînée d'huile végétale, ou avec certains phénomènes océaniques comme une production massive d'algues. Toute notre expertise c'est de savoir reconnaître ces phénomènes en temps réel pour pouvoir assurer une diffusion d'information aux autorités en moins de 20 minutes après observation."
 
Désormais, une pollution accidentelle ou volontaire, par dégazage, a peu de chance d'échapper à la surveillance :
 
"Il est effectivement de plus en plus compliqué de passer entre les mailles du filet : il y a de plus en plus de satellites, de plus en plus d'images qui sont traitées. Et de surcroît, des drones sont maintenant mis en place pour assurer une surveillance sur la longue durée, sur des zones spécifiques : actuellement on a deux drones capables de voler pendant une dizaine d'heures, et de surveiller de grandes zones maritimes, au moyen de toute une panoplie de capteurs."
Légende photo : antenne CLS Brest
L'Amoco Cadiz a été le facteur déclenchant qui a conduit à la création du CEDRE, moins d'un an après la marée noire, en janvier 1979. Et 40 ans après, le Centre d'étude et de recherche sur les pollutions accidentelles des eaux est devenu une référence mondiale. Basé à Brest depuis l'origine, le Cedre dispose de laboratoires et d'outils uniques pour comprendre et savoir comment lutter contre les pollutions des eaux. Avec par exemple un "polludrome", un canal d'essai en forme d'hippodrome, que nous présente Christophe Rousseau, directeur adjoint du Cedre :
 
"Cette machine sert à recréer tous les paramètres environnementaux : le vent, les courants, la lumière, la température, qui influent sur le devenir du pétrole ou d'un produit chimique une fois qu'ils sont déversés dans l'eau, et c'est avec cela que l'on va faire un diagnostic de ce qui se passerait s'il y avait un accident et sii le pétrole était déversé dans l'eau."
 
Avec cette expérience de l'Amoco, avec aussi les catastrohes qui ont suivi comme celle de l'Erika, peut-on considérer que nous sommes aujourd'hui mieux préparés que jamais face à une marée noire ? La réponse de Christophe Rousseau :
 
"L'Amoco, c'était un pétrole brut, depuis on a eu pratiquement que des pollutions par des pétroles raffinés, des fiouls lourds... si demain, on avait à nouveau un pétrole brut, je ne suis pas certain que l'on serait aussi bien préparé... Chaque pollution est un cas différent, il faut s'adapter, c'est ce qui fait notre force au Cedre : on est d'astreinte 24h sur 24, très rapidement on peut mettre en place des outils pour évaluer ce polluant nouveau, et fournir un avis technique aux autorités chargés de la lutte. C'est notre mission..."
 
Après l'Amoco, après l'Erika, les réglementations se sont renforcées, pour sécuriser le transport des produits pétroliers, et des produits chimiques, mais la multiplication aujourd'hui des porte-conteneurs géants pose de nouveaux problèmes, pour Christophe Rousseau :
 
"A bord de ces porte-conteneurs, on a deux problèmes : les conteneurs avec des produits chimiques, au milieu des conteneurs de vêtements, de fruits et légumes, de tout ce que vous voulez, et puis vous avez le fioul de propulsion : jusqu'à 20 000 tonnes, en double fond... Donc si le bateau arrive à la côte, on va commencer par avoir une pollution par les hydrocarbures,  à laquelle va s'ajouter une pollution, potentiellement, par les produits chimiques dans les conteneurs."
Légende photo : expérimentation au CEDRE de Brest
 
Et en fait, même si ce n'est pas sous forme de marées noires, le pétrole est partout sur nos côtes : ce sont les fameux microplastiques, qui envahissent l'environnement marin et littoral. Désormais le Cedre va y consacrer des moyens de plus en plus grands. Le centre brestois a été désigné par l'Union européenne pour faire un état des lieux de la présence des microplastiques sur le littoral français :
 
"Nous avons mis au point une machine qui va nous permettre de séparer tous ces mircoplastiques du sable de façon un peu plus industrielle qu'avec une pincette sous un microscope. Pour faire une cartographie, un point zéron, pour 2021, de tous les microplastiques sur le littoral français."
A l’occasion des 40 ans du naufrage, plusieurs animations vous sont proposées demain sur le port de Brest. Rendez-vous de 10h à 18h pour découvrir les enseignements et les évolutions de la lutte antipollution depuis l’Amoco.
Des interviews de Yann LAUNAY
Retour sur l'échouage de l'Amoco Cadiz, il y a 40 ans... voici comment était décrite la situation par le costarmoricain Roger Gicquel, alors journaliste-présentateur du journal de 20h sur TF1 :